La mangrove des Sundarbans. Bangladesh.
Un petite vingtaine de personnes se sont retrouvées à l’Espace Solidaire de Nantes le jeudi 19 septembre pour une soirée d’échanges avec Xavier Desmier, photographe terrestre et sous-marin, mobilisé sur la question de l’environnement et la protection des Mangroves.
Un grand projet sur les populations qui vivent dans les mangroves et leurs interactions avec le milieu.
« La mangrove représente 186 milliards de dollars de bénéfices dans le monde. Elle filtre l’eau, maintient le sol et protège les barrières de corail. C’est un lieu d’échange, économique, riche en ressources et nourriture. C’est également la forêt qui capte le plus de Co2. Les gens qui y vivent mangent à leur faim et ont peu de maladies. »
Les photographies présentées par Xavier Desmier ce jeudi 19 septembre à l’Espace Solifaire, prises dans le cadre d’un projet avec Terre Sauvage, dépeignent le tableau de la vie de communautés rythmée par l’économie de la mangrove, particulièrement en Guinée Conakry où la mangrove n’est pas seulement visitée, mais bien habitée par les Hommes.
C’est alors qu’il travaillait sur le sel en Guérande à la fin des années 90 que Xavier Desmier est introduit à la cause des mangroves. La terre de mangrove, chargée en sel, est en effet réhydratée pour obtenir de la saumure. Cette dernière, une fois chauffée, produit un sel de qualité médiocre ; pire encore, la production de ce sel ignigène libère ce que l’on connait sous le nom de gaz moutarde, provoquant de nombreux problèmes de santé, dont la cécité, aux travailleurs salins. D’un point de vue écologique, le bilan n’est guère plus convaincant : la production d’une tonne de sel nécessite trois tonnes de bois, entraînant la destruction de la mangrove en Afrique de l’Ouest. C’est de ce constat, dressé par l’association des paludiers de Guérande Univers-Sel déjà présente au Bénin, que naîtra un projet de soutien aux producteurs de sel.
La mangrove de Conakry est un cordon de 40km de large, composé d’un plateau et d’une arrière-mangrove s’y trouve. Depuis 800 ans au moins, elle est habitée par des villages espacés de quelques kilomètres aux langues variées. Ce fait la rend d’autant plus particulière que, dans le monde, la mangrove est un lieu de passage et de travail, mais elle n’est habitée qu’en deux endroits : en Afrique de l’Ouest et au Bengladesh.
Le travail de la terre salée en Guinée Conakry est une tâche genrée dont les effets néfastes touchent majoritairement les femmes, les hommes étant assignés au coupage du bois alors que les femmes sont en contact avec la terre salée et ses émanations néfastes. Le développement d’un système de bâches en plastique, alternative plus écologique au sel ignigène et produisant un sel de meilleure qualité, permet ainsi une amélioration des conditions de travail et la diversification des activités au sein des communautés. Les bâches permettent en effet de diviser par deux, soit une demi-journée au lieu d’une journée complète, le temps alloué au travail du sel chaque jour.
La destruction de la mangrove dans la région est par ailleurs éminemment marquée par les stigmas de la colonisation. Si aujourd’hui, plus personne ne parle français dans les villages environnant la forêt de Guinée Conakry, la création de barrages sous domination française, par exemple au Sénégal, a asséché et empêché le développement de la mangrove. La Guinée Bissau, libérée en 1974 du Portugal, est a contrario le pays avec le plus de mangrove au monde, un atout protégé par la mise en place une politique de protection interdisant de couper du bois de mangrove.
Dans les Sundarbans, au Bengladesh, où se situe la plus grande mangrove du monde, l’économie de la mangrove est soumise à la délivrance d’un permis d’entrée. Ce sésame, rarement auquel les populations locales ne peuvent pas nécessairement accéder, se fait catalyseur d’insécurité, puisqu’il empêche la protection des populations. Ces dernières y travaillant de manière informelle sont notamment sujettes aux attaques des pirates, mais aussi à divers dangers liés à la biodiversité tels que les tigres ou encore les abeilles, dont la récolte du miel est une activité largement inscrite dans l’économie de la mangrove, aux côtés de la pêche à la loutre et la pêche de crevettes.
C’est en photographiant la mangrove que, paradoxalement, Xavier Desmier en est venu à s’intéresser à l’humain en tant que sujet de photographie. Une belle représentation de la relation symbiotique qu’entretiennent les hommes et la nature dans cet espace privilégié qu’est la mangrove, un trésor pour l’humanité qu’il est plus que jamais nécessaire de sauvegarder.
Le CCFD-Terre Solidaire accompagne plusieurs partenaires en Afrique, en Asie pour la protection des mangroves.
Sarah Mores