Le travail décent à défendre en mer comme à terre

Le jeudi 8 octobre, une vingtaine de participants se sont réunis pour participer à un documentaire-débat sur les conditions de travail des marins, dans les locaux du CCFD-Terre Solidaire au centre-ville. A l’initiative de la Mission Ouvrière et de la Mission de la mer, cet événement s’inscrit dans le cadre de la 13e édition de la Journée Mondiale pour un Travail Décent (JMTD) appuyée par l’Organisation Internationale du Travail (OIT).

La marine marchande pourtant présente à Nantes reste méconnue. Afin de nous sensibiliser au monde maritime, un documentaire d’une vingtaine de minutes à bord d’un porte-containers nous est proposé : « Le monde est derrière nous » (2012). Celui-ci a été réalisé par Marc Picavez, réalisateur local. : Des marins russes parcourent inlassablement la mer, entre Saint-Nazaire et Rotterdam. D’autres, Philippins, tentent de communiquer avec leurs amoureuses, leurs enfants, depuis un Seamen’s Club, quelque part en Europe. Puis, une présentation de certaines réalités inhérentes à ces métiers nous sont présentée : un milieu principalement masculin, un recrutement assuré par des sociétés de « Manning », sorte de société d’intérim à qui est déléguée l’embauche et les conditions salariales, des durées d’embarquements variables (souvent de 2 à 12 mois) avec des incertitudes concernant le renouvellement de la main-d’œuvre, la compagnie maritime, mais aussi le type de navire.

Bien que les conditions de vie soient régies par une convention internationale (La convention du travail maritime de l’OIT, 2006), le travail à bord reste rude : 

  • Peu de marins à bord du fait de la technicité des navires (informatisation et automatisation)
  • Relative promiscuité avec une exposition constante aux vibrations et aux bruits
  • Diversité des cultures et des langues
  • Fragilité psychologique due à l’isolement et l’éloignement de la famille
  • En cas d’accident du travail, les marins se taisent pour ne pas prendre le risque de ne pas réembarquer.

Pour tenter de pallier ces désagréments, les membres de différents lieux d’accueils et associations œuvrent. A l’instar de Nantes Port d’accueil (NPA) ou encore de la Mission de la Mer. A terre, les marins sont donc accueillis dans des foyers appelés « seamens club ».  A Nantes, ce dernier se situe à présent sous le pont de Cheviré. Ce lieu permet de rompre l’isolement, de faire respecter les droits des marins et de faciliter l’accès aux cultes.

Ces lieux de soutien sont plus que jamais nécessaire au vu du contexte actuel. En effet, la crise du covid bloque environs 300 000 marins : la durée de temps passé à bord est augmentée et empêche une relève. En outre, en méditerranée, les migrants en perdition sont recueillis par des bateaux qui se détournent. Or, les navires ne sont pas équipés pour de telles conditions surtout si une interdiction d’accoster leur est imposée.

Mais évoquer les conditions de travail des marins, c’est également traiter de la mondialisation, de la précarité et des transformations du monde du travail. Nous élargissons donc le débat via la lecture de deux témoignages. Tout d’abord celui de Guillaume, qui exerce un travail qu’il estime « mal perçu, mal compris », un travail invisible et précaire : celui d’agent de sécurité incendie. « A chaque période d’appel d’offre (tous les trois ans) c’est l’incertitude sur le changement d’employeur et le fait d’être repris par la nouvelle entreprise ». Puis le témoignage de Florent vient nourrir le débat. Depuis la crise du Covid, il est fortement impacté par un télétravail imposé. Cela engendre chez lui un sentiment d’isolement, de déshumanisation et d’intrusion du travail dans la sphère de la vie privée : « Actuellement nous entendons, tout le bénéfice que le télétravail apporte, mais il faut savoir que c’est aussi ne pas avoir tout le matériel de bureau adéquat et c’est demander à sa famille de faire des efforts pour ne pas nous déranger ». Divers sujets sont alors évoqués par les participants : le burnout, le harcèlement, le conseil aux salariés lors des entretiens préalables au licenciement…En bref, la difficulté de vivre la mutation du monde du travail tout en conservant l’espoir en un avenir meilleur.

Pauline Hamon (permanente ACO 44)

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